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Pratiques autochtones dans les tribunaux

Déclaration du Comité d’action

Notre Comité appuie les tribunaux canadiens dans leurs efforts de modernisation. Le Comité élabore des orientations pour relever les défis et souligne des possibilités et des pratiques novatrices pour moderniser les activités judiciaires et améliorer l’accès à la justice pour les usagers des tribunaux.

Ce document expose des considérations d’orientation, des leçons et des exemples concrets tirés de consultations menées auprès de juges et d’administrateurs des tribunaux autochtones et non autochtones, de conseillers parajudiciaires autochtones, d’organismes de justice autochtones et d’autres intervenants du système de justice sur l’intégration de pratiques autochtones dans le système judiciaire actuel.

Les considérations d’orientation et les exemples présentés dans ce document recoupent des thèmes repris dans les documents complémentaires suivants du Comité d’action : Rôle des conseillers parajudiciaires autochtones dans les instances pénales et Travailler avec les conseillers parajudiciaires autochtones : conseils utiles.

1. Historique et contexte

Les tribunaux de partout au pays continuent d’affirmer leur engagement à l’égard de la réconciliation en se lançant dans un travail complexe visant à « réparer les erreurs du passé d’une manière qui […] établit une relation saine et respectueuse » avec les peuples autochtones pour l’avenir. Le processus de réconciliation nécessite une écoute respectueuse, un apprentissage, l’établissement de relations humbles et des actions qui donnent des résultats sur de nombreux fronts. Alors que les gouvernements, les communautés autochtones et d’autres intervenants travaillent sur d’importantes initiatives visant à revitaliser les systèmes de justice et les traditions juridiques autochtones, les juges et les administrateurs des tribunaux à tous les niveaux de cour promeuvent activement les réformes nécessaires au sein du système judiciaire actuel. L’intégration de pratiques autochtones dans les tribunaux est l’une des nombreuses réformes entreprises dans le cadre de ce processus.

Dans le passé, les pratiques autochtones, y compris les coutumes et les cérémonies, ont été réprimées dans les milieux institutionnels. De plus, les éléments distinctifs liés aux palais de justice, aux professionnels et aux procédures judiciaires sont souvent aliénants pour les personnes autochtones et nuisent à leur capacité et à leur désir d’accéder à la justice par l’entremise des tribunaux. En comprenant mieux et en intégrant les pratiques autochtones et les méthodes de travail qui tiennent compte des traumatismes vécus par les personnes autochtones, les juges et les administrateurs des tribunaux dans l’ensemble du pays peuvent contribuer à créer un système judiciaire juste, équitable et adapté culturellement aux usagers autochtones des tribunaux. La création d’un espace où l’identité et la dignité autochtones peuvent être vues et honorées constitue un petit pas vers la résolution des problèmes d’accès à la justice et de discrimination systémique.

En contribuant à différentes façons de savoir et de voir qui peuvent favoriser l’innovation et enrichir les efforts de modernisation, l’intégration des pratiques autochtones peut également avoir un effet transformateur. S’ils s’y engagent en faisant preuve d’humilité, de bonne foi et de respect, les tribunaux peuvent collaborer pour trouver des moyens de renforcer le dialogue constructif et d’obtenir de meilleurs résultats pour tous en intégrant le savoir et les perspectives autochtones. On retrouve dans les tribunaux pénaux et ceux de la famille des exemples où le recours au soutien holistique et à la guérison mène à de meilleurs résultats pour les individus, les familles, les communautés et le système de justice dans son ensemble.

2. Considérations d’orientation

Cette section énonce des considérations d’orientation importantes à l’intégration de pratiques autochtones dans les tribunaux. Ces considérations sont interreliées et devraient être collectivement et continuellement mises en œuvre. Elles constituent la toile de fond pour appuyer les efforts collectifs d’établissement de relations, d’apprentissage et de compréhension ainsi que la planification et l’action respectueuses visant à intégrer les pratiques autochtones. Si l’on adopte seulement certaines de ces considérations, cela pourrait avoir un effet préjudiciable et offenser les peuples autochtones concernés.

2.1 Créer un espace – favoriser un environnement inclusif que les personnes autochtones pourront diriger

Le rôle des tribunaux dans l’intégration des pratiques autochtones consiste à créer un espace que les personnes autochtones pourront occuper et façonner, en leur confiant la définition, la direction et l’administration de ces pratiques autochtones.

La création d’un espace ne doit cependant pas être perçue comme un rôle passif. Les pratiques et les identités autochtones ont tellement été marginalisées au sein de la société canadienne que, pour qu’elles aient leur place dans les tribunaux, il faut créer activement un environnement qui indique aux personnes autochtones qu’elles sont les bienvenues, tout autant que leurs pratiques et leurs identités.

Les tribunaux remplissent ce rôle de diverses façons, notamment en établissant des partenariats et en collaborant avec les communautés, les organismes, les leaders, les aînés et les gardiens du savoir autochtones locaux et régionaux pour modifier ou établir :

  • une infrastructure judiciaire qui intègre d’importants éléments autochtones et qui répond aux besoins des personnes autochtones ayant recours à ces espaces judiciaires;
  • des politiques, des procédures et des lignes directrices à l’intention des tribunaux qui sont fondées sur les expériences vécues des peuples et des communautés autochtones et sur les besoins qu’ils expriment;
  • des programmes, des tribunaux et des procédures propres aux personnes autochtones qui s’inspirent des modes de savoir et d’être autochtones.

La création d’un espace peut également, dans certaines circonstances, inclure la reconnaissance et le soutien d’une justice autochtone se déroulant au sein de communautés, de structures et d’ordres juridiques distincts autochtones plutôt que dans le contexte judiciaire en place. Cela est d’autant plus vrai à mesure que les tribunaux se modernisent.

2.2 Adopter une orientation d’humilité, de respect et de réceptivité

La plupart des intervenants du secteur de la justice n’ont pas d’expérience vécue ou d’expertise en matière de pratiques autochtones. Il y a beaucoup de choses que les juges, les administrateurs des tribunaux et les avocats non autochtones ne savent pas, à tel point que les gens « ne savent souvent pas qu’ils ne savent pas ». À ce titre, il est important de s’efforcer d’intégrer les pratiques autochtones dans les tribunaux avec humilité, respect et réceptivité aux nouvelles idées mises de l’avant par les Autochtones.

Ce manque de connaissances peut, à juste titre, être inconfortable pour les experts en droit et en administration des tribunaux. Cependant, comme l’indiquent les publications du Comité d’action, Collaboration entre les divers intervenants : pratiques exemplaires et leçons retenues de la pandémie et Rétablir les activités judiciaires dans les communautés nordiques, éloignées et autochtones, la justice constitue une responsabilité partagée qui nécessite la contribution d’un large éventail d’intervenants autochtones et non autochtones. L’écoute et l’établissement de relations respectueuses avec les communautés autochtones locales sont des éléments importants pour être mieux informés, plus créatifs et, en fin de compte, mieux en mesure de soutenir l’accès à la justice pour tous. En adoptant une orientation d’humilité, de respect et de réceptivité, les tribunaux, les juges et les administrateurs des tribunaux peuvent s’engager de manière significative malgré un niveau d’incertitude et d’inconfort. Bien que des erreurs puissent être commises et des défis rencontrés en cours de route, cette approche et cette orientation peuvent aider à y remédier et à les surmonter et, ainsi, mener à un apprentissage significatif et à un changement efficace. L’établissement de relations de collaboration avec ceux qui détiennent l’expertise nécessaire pour aller de l’avant crée un environnement où les questions peuvent être posées sans crainte et avec respect, tout en évitant ou en corrigeant les préjugés et les faux pas.

2.3 Reconnaître et honorer les distinctions

Il est important de reconnaître et d’honorer la riche diversité des cultures, des langues, des histoires et des traditions des peuples autochtones lorsqu’on s’engage auprès des communautés autochtones et qu’on s’efforce d’intégrer les pratiques autochtones dans les tribunaux. Au niveau de distinction le plus général, les personnes autochtones du Canada appartiennent à trois grands groupes : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Entre ces grands groupes et au sein de chacun d’entre eux, il existe une grande variété de nations, de cultures, de communautés, de visions du monde et de pratiques. Même au sein d’une certaine nation, les coutumes et les traditions peuvent varier selon la communauté et chacun de ses membres. Il n’y a pas de culture autochtone unique ni de pratiques « standardisées » ou pan autochtones qu’un tribunal peut intégrer dans ses processus.

Il est naturel d’être mieux informé sur les communautés vivant à proximité du tribunal. Cependant, il est également important de mieux comprendre les autres nations, cultures et pratiques du pays, étant donné le déplacement naturel des personnes à l’extérieur de leur communauté « d’origine ». C’est particulièrement vrai dans les grands centres urbains qui comptent une grande diversité de personnes autochtones provenant de partout au pays. Le fait d’être informé permet de se prémunir contre les préjugés et d’établir une base respectueuse d’engagement. Une pratique exemplaire consiste à demander à une personne qui pourrait s’identifier comme autochtone :

  • la façon dont elle souhaite s’identifier;
  • la façon dont elle aimerait qu’on s’adresse à elle;
  • la nation ou la communauté à laquelle elle s’identifie et les besoins particuliers qui peuvent découler de cette identité.

Cette approche facilite l’accès aux pratiques autochtones et respecte le fait que les personnes autochtones ne s’identifient pas nécessairement toutes aux valeurs et aux pratiques traditionnelles ou ne souhaitent pas toujours les intégrer dans leur expérience devant les tribunaux. Il est également important de se rappeler que, lorsqu’on pose les questions ci-dessus, de nombreuses personnes autochtones ont été retirées de leur communauté et ont peut-être été élevées en dehors de leurs pratiques et valeurs traditionnelles, mais qu’elles renouent maintenant avec elles. Poser des questions en cas d’incertitude peut grandement contribuer à honorer les distinctions et à créer un environnement plus accueillant pour celles-ci.

2.4 Comprendre l’importance culturelle et spirituelle

Il est important de comprendre la signification culturelle et spirituelle qui sous-tend les coutumes et les pratiques autochtones lorsqu’on intègre des pratiques autochtones dans les tribunaux. Agir autrement rendrait superficiel et vide de sens le fait d’honorer ces pratiques ou d’y participer. Il n’est pas nécessaire de partager la croyance, mais il faut être ouvert à la comprendre. Pour faire une véritable place aux pratiques autochtones, il faut faire preuve de respect et de réceptivité quant à l’importance de ces pratiques et des protocoles qui s’y rattachent. L’acquisition de cette compréhension est un processus continu.

Tout en gardant à l’esprit qu’il n’y a pas de culture autochtone universelle, il existe des thèmes communs aux diverses visions du monde et traditions autochtones. Parmi ceux-ci, notons une compréhension des approches interreliées, continues, cycliques, fluides et non linéaires (par exemple, le cercle, la spirale) et un respect pour les aspects spirituels, physiques, émotionnels et mentaux de l’individu, de la famille, de la communauté, des ancêtres et de la nature. Séparer le physique et le mental du spirituel est en grande partie un concept occidental. Ainsi, les pratiques autochtones qui peuvent être vécues physiquement (la purification par la fumée, le battement d’un tambour) sont interreliées avec le spirituel, le mental et l’émotionnel de manière continue et fluide. Lorsque l’on entreprend des pratiques autochtones, faire preuve de la solennité requise est un important signe de respect. Cette solennité se reflète dans les importants protocoles entourant de nombreuses cérémonies autochtones, dont la manipulation d’objets sacrés tels que les remèdes, les calumets, les hochets, les tambours ou les bâtons à exploits. Le fait de participer à ces pratiques ou de les intégrer sans comprendre les protocoles et leur signification spirituelle risque de sérieusement offusquer les personnes concernées.

3. Établir des relations et le rôle de leadership

Les tribunaux qui cherchent à intégrer des pratiques autochtones doivent envisager des mesures à la fois au niveau institutionnel et individuel. Comme l’indiquent d’importants rapports et recommandations, comme la Commission royale d’enquête sur les poursuites pénales contre Donald Marshall Jr. (en anglais seulement; voir en particulier la recommandation 33, Responsabilité des juges en chef), les juges en chef et les juges en chef associés ou adjoints ainsi que les administrateurs en chef et les administrateurs principaux des tribunaux jouent un important rôle de leadership au nom de l’institution judiciaire. Ils sont en position d’autorité pour effectuer des changements systémiques et culturels et prendre des engagements au nom de l’institution. À l’externe, leurs engagements témoignent d’une ouverture institutionnelle à changer la nature de la relation avec les peuples autochtones et constituent les premiers pas pour renforcer la confiance des peuples autochtones dans le système judiciaire actuel. À l’interne, ils fournissent des conseils importants sur la façon dont les intervenants du système de justice peuvent et devraient tous travailler à la réconciliation.

Le travail de collaboration et de réconciliation nécessaire en vue de créer un espace pour les pratiques autochtones ne peut se faire qu’en nouant des relations. En établissant des relations continues et durables avec les chefs, les aînés et les intervenants autochtones dans les tribunaux, les leaders des tribunaux peuvent à la fois créer une relation institutionnelle et faciliter les relations et la compréhension entre les personnes qui travaillent dans les tribunaux et les membres des communautés autochtones.

Comme l’ont dit de nombreux leaders des tribunaux du pays, l’établissement et le maintien de ces relations demandent du temps, de l’engagement et de l’énergie. L’établissement d’une relation initiale nécessite de la patience, car les parties apprennent à communiquer les unes avec les autres, à se familiariser avec les protocoles de l’autre et à commencer à établir une relation de confiance l’une avec l’autre. Une fois les relations établies, le travail se poursuit pour les maintenir et continuer à apprendre et à résoudre collectivement les problèmes. Les structures de collaboration telles que les tables consultatives, les comités directeurs ou les groupes de travail qui réunissent des représentants des communautés autochtones locales, des organismes de justice autochtones, des juges, des administrateurs des tribunaux et d’autres intervenants dans les tribunaux peuvent s’avérer des mécanismes utiles. Ces structures permettent de soulever des questions, de résoudre des problèmes, de continuer à apprendre et de créer un espace pour les questions que les personnes ne souhaitent peut-être pas soulever directement devant les tribunaux, mais qui peuvent aider à éduquer les juges et le personnel judiciaire. Selon le contexte, les réunions de ces structures peuvent varier grandement, allant d’une ou deux fois par an jusqu’à tous les mois ou à chaque séance du tribunal, par exemple dans le cas des tribunaux spécialisés.

4. Intégrer les pratiques autochtones

De nombreux leaders des tribunaux ont indiqué aux communautés autochtones de leur ressort leur volonté d’établir des relations institutionnelles au nom des tribunaux. De nombreux leaders autochtones ont accepté l’invitation à établir des relations et à déterminer s’il y a lieu d’intégrer des pratiques autochtones dans le système judiciaire actuel dans leur région, et comment y arriver. Cela peut se produire par différents moyens et, à mesure que les relations existantes continuent d’être entretenues et que l’apprentissage s’approfondit, l’espace pour intégrer différentes pratiques autochtones continuera d’évoluer. Les sections suivantes décrivent différents moyens d’intégrer des pratiques autochtones et illustrent certaines pratiques autochtones intégrées dans les tribunaux.

4.1 Moyens d’intégrer des pratiques autochtones dans des cas particuliers

Bien que les leaders des tribunaux soient à l’avant-garde de la création de relations, les juges et les administrateurs des tribunaux à titre individuel jouent un important rôle de soutien au niveau institutionnel. Ils auront notamment l’occasion d’intégrer les pratiques autochtones sur une base plus quotidienne dans certaines procédures et activités judiciaires. La création d’un environnement accueillant et accessible dans chaque cas est tout aussi importante que le travail effectué au niveau plus institutionnel.

4.1.1 Moyens pris par l’intermédiaire d’avocats et d’autres intervenants judiciaires

Dans de nombreux cas, les demandes d’intégration de pratiques autochtones proviendront des parties par l’intermédiaire de leur avocat ou d’un autre intervenant judiciaire, comme les services aux victimes, les conseillers parajudiciaires autochtones ou les travailleurs autochtones de la justice réparatrice. Idéalement, ces demandes devraient être soumises lors de séances de gestion d’instance ou de requêtes préalables au procès, mais cela n’est pas toujours possible, surtout lors d’audiences plus courtes. Dans ces cas, les demandes peuvent être présentées par voie de lettre adressée au greffier ou selon le processus décrit dans une politique du tribunal.

Quel que soit le moyen choisi, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte pour déterminer si la demande peut être accordée, notamment :

  1. Si les deux parties sont favorables à la demande: Les avocats peuvent s’entretenir sur la nature et les détails de la demande ainsi que sur leurs positions afin de les intégrer dans leurs pratiques et de résoudre une grande partie des questions en litige avant que la demande ne soit présentée au tribunal. Dans les cas où il n’y a pas d’accord, la question peut devoir être débattue.
  2. Si la demande est réalisable sur le plan opérationnel: Même lorsque les deux parties consentent à la demande, des défis opérationnels et d’infrastructure peuvent entraver la mise en œuvre d’une pratique. Par exemple, un tribunal n’a pas toujours la ventilation appropriée pour permettre une purification par la fumée. En travaillant en collaboration, les tribunaux ont trouvé des solutions satisfaisantes dans de nombreux cas, par exemple en trouvant un autre espace bien ventilé dans l’installation judiciaire, en réunissant les intervenants du tribunal dans un espace à l’extérieur de cette installation ou en désactivant momentanément le système d’alarme pour les incendies. Malgré tous les efforts déployés, il y a certains cas où il peut être tout simplement impossible d’accorder une demande.
  3. Si l’individu veut participer ou non: La participation à la pratique elle-même est un choix individuel. Compte tenu de la nature spirituelle de nombreuses pratiques autochtones, certaines personnes peuvent, pour diverses raisons, préférer ne pas y participer. Ce choix devrait être pris en compte et respecté.

4.1.2 Moyens facilités par les juges et les administrateurs des tribunaux

Les avocats et les intervenants de la justice ne savent pas toujours qu’ils peuvent demander l’intégration de ces pratiques. Il est donc important que les tribunaux, les juges et les administrateurs des tribunaux prennent des mesures pour s’assurer que les parties se sentent invitées à faire de telles demandes. Voici quelques exemples :

  • Les juges demandent s’il y a des questions propres aux personnes autochtones qui doivent être abordées dans le cadre de la gestion d’instance ou des requêtes préalables au procès lorsque des parties, des victimes ou des témoins autochtones prennent part au processus ou lorsque des enjeux autochtones sont soulevés.
  • Les tribunaux indiquent sur leur site Web et/ou dans leurs assignations ou leurs citations à comparaître que de telles demandes sont permises et le processus à suivre pour les soumettre.
  • Les tribunaux élaborent et communiquent clairement des politiques, des protocoles et des directives sur l’intégration des pratiques autochtones.
  • Les tribunaux incluent l’accessibilité et la communication quant à l’intégration des pratiques autochtones comme sujet de discussion lors des réunions récurrentes entre les tribunaux et les communautés autochtones, et entre la magistrature et le barreau.

4.2 Exemples de pratiques autochtones intégrées

La liste d’exemples ci-après présente des pratiques que les tribunaux se sont efforcés d’intégrer en collaboration avec les communautés autochtones. Chaque pratique prendra sa propre variation et expression en fonction de la communauté autochtone ou de la personne qui la pratique. Les pratiques décrites ne sont pas propres à une partie ou à une personne autochtone donnée devant le tribunal, mais peuvent être significatives pour les plaideurs, les témoins, les victimes et les délinquants autochtones ainsi que pour les intervenants autochtones dans les tribunaux.

4.2.1 Cérémonies autochtones

Des cérémonies autochtones se voient intégrées à tous les aspects des tribunaux, qu’il s’agisse du processus d’établissement de relations entre les tribunaux et les communautés autochtones ou d’événements éducatifs et commémoratifs auxquels participent les tribunaux, ou bien que ce soit avant, pendant et après les causes visant des parties autochtones. Comme le montre l’exemple de la Cour fédérale décrit ci-dessous, certains tribunaux ont créé des lignes directrices qui prévoient de tels remèdes et cérémonies et qui leur font une place. Voici quelques exemples :

4.2.2 Objets sacrés et autres symboles significatifs dans la salle d’audience

Les objets sacrés et autres symboles significatifs dans la salle d’audience, bien que parfois plus subtils que les cérémonies autochtones, peuvent être tout aussi puissants pour ceux qui ont à cœur ces symboles. Voici quelques exemples d’objets ou de symboles qui ont été intégrés dans les tribunaux canadiens ou les processus judiciaires :

  • prêter serment à l’aide d’une plume d’aigle;
  • allumer le qulliq (lampe inuite) dans la salle d’audience pour apporter paix et réconfort;
  • porter des vestes en peau de phoque ou un amauti, par opposition aux toges noires portées par les juges, les juges de paix et d’autres intervenants dans la salle d’audience au Nunavut;
  • déposer du foin d’odeur tressé sur l’estrade du juge ou à la barre des témoins;
  • une ceinture fléchée;
  • une jupe à rubans;
  • un bâton à exploits;
  • hisser des drapeaux autochtones dans la salle d’audience à côté des drapeaux fédéraux, provinciaux et territoriaux.

Des objets sacrés ont également été intégrés dans de nombreux tribunaux du pays pour être précisément utilisés lors d’affirmations. À ce jour, l’objet sacré le plus couramment intégré pour l’affirmation par les Premières Nations et les Métis a été la plume d’aigle (voir par exemple l’initiative de la Plume d’aigle de la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard – en anglais seulement), mais d’autres ont également inclus un calumet.

Tel qu’il sera expliqué ci-dessous dans l’exemple du Manitoba, les objets sacrés sont accompagnés d’importants enseignements et d’un protocole essentiel entourant leur soin, leur manipulation et leur utilisation. De nombreuses cérémonies comportent des objets sacrés que le tribunal ne peut toucher ou conserver que s’il a obtenu la permission de le faire. Si la permission est accordée, elle s’accompagne de la responsabilité de maintenir les protocoles dans le cadre desquels ces objets ont été fournis. Étant donné que ces objets sacrés sont souvent mérités par l’honneur ou les droits de passage, il serait inapproprié de demander ou de se procurer ces objets pour les tribunaux. Au lieu de cela, grâce aux relations, à la confiance et à l’espace créé, les communautés autochtones pourraient choisir de faire don de ces articles. Par ailleurs, certaines personnes autochtones ayant des liens avec les tribunaux, comme des conseillers parajudiciaires autochtones, des aînés ou des gardiens du savoir, pourraient faciliter au besoin l’utilisation ou l’acquisition de tels objets et assurer de bonnes conditions pour les parties et les témoins autochtones, sans que les tribunaux ne conservent eux-mêmes ces objets.

4.2.3 Utilisation des cercles

L’utilisation des cercles et les enseignements qui s’y rattachent sont intégrés dans des tribunaux de partout au pays, en collaboration avec les intervenants des tribunaux, les organismes de justice et les communautés autochtones. Voici les circonstances les plus courantes :

4.2.4 Emplacement et aménagement de la salle d’audience

L’emplacement et l’aménagement de la salle d’audience peuvent être des éléments importants d’une plus vaste transition vers l’intégration des modes de savoir et de travail autochtones. Les tribunaux itinérants des trois territoires et du nord de certaines provinces amènent les tribunaux dans les communautés autochtones depuis les années 1950 ou même avant, selon l’emplacement. À mesure que la relation entre les tribunaux et les communautés autochtones évolue, certains tribunaux du pays ont commencé à travailler en collaboration avec les intervenants judiciaires, les organismes de justice et les communautés autochtones afin de déterminer si et dans quelles circonstances les procédures judiciaires sont bien accueillies dans les communautés autochtones. Lorsque les communautés autochtones ont accueilli les tribunaux, un travail de collaboration a également eu lieu dans certains cas pour envisager la création ou la modification de l’infrastructure et de l’aménagement particulier de la salle d’audience pour mieux refléter et soutenir les méthodes de travail autochtones. Cependant, l’emplacement et l’aménagement ne suffisent pas en soi. Les changements apportés à l’emplacement et à l’aménagement sont un moyen de tenir compte des coutumes autochtones et de soutenir une dynamique de pouvoir différente qui fait place à des voix et à des approches différentes de communication et de résolution de problèmes. Il existe de nombreux exemples partout au pays :

  • d’audiences ordinaires tenues dans les communautés autochtones ou de certaines parties des procédures qui sont invitées à se dérouler dans les communautés autochtones (voir, par exemple, les tribunaux provinciaux autochtones de détermination de la peine en matière pénale (en anglais seulement) de la Colombie-Britannique et les lignes directrices de pratique de la Cour fédérale pour les instances en droit autochtone décrites en détail ci-dessous);
  • de tribunaux pour les peuples autochtones établis dans les communautés autochtones. Tout en continuant d’appliquer la loi canadienne, ils cherchent à intégrer les valeurs, les approches, les symboles et les modèles autochtones locaux (voir, par exemple, la Cour provinciale de Wagmatcook (en anglais seulement) en Nouvelle-Écosse).

4.2.5 Programmes de justice et de guérison pour les personnes autochtones

Dans le passé, les programmes de justice et de guérison pour les personnes autochtones ont fonctionné en parallèle avec le système judiciaire, mais de nombreux tribunaux intègrent maintenant ces programmes pour s’assurer que des options sont disponibles à tous les niveaux de procédures du système de justice. En voici quelques exemples :

  • justice réparatrice (voir, par exemple, le projet pilote de justice réparatrice (en anglais seulement) de la Cour de justice de l’Alberta);
  • pavillons de ressourcement;
  • approches axées sur la terre.

4.2.6 Rôle des aînés et des gardiens du savoir

Le rôle des aînés et des gardiens du savoir dans les procédures judiciaires est devenu très important. Lorsque le système judiciaire, ses règles et son importance peuvent sembler très étrangers ou lointains pour les peuples autochtones, les aînés et les gardiens du savoir attirent la confiance, le respect et le sérieux qui ont été gagnés dans les communautés autochtones. Leur présence, leurs enseignements et leurs conseils peuvent avoir un impact considérable sur les parties au sein des tribunaux. Voici des exemples de tels rôles, où des aînés ou des gardiens du savoir :

5. Tisser ensemble : Considérations d’orientation mises en pratique dans les tribunaux canadiens

L’une des principales leçons tirées de la pandémie a été de reconnaître que les individus, les institutions, les environnements et les enjeux sont interreliés. Il ne s’agit pas d’une nouvelle leçon pour de nombreux peuples autochtones, dont la culture et la vision du monde sont profondément relationnelles et holistiques. Le fait de travailler de manière non cloisonnée et de tisser ensemble les relations, les enjeux et les connaissances constitue une innovation importante pour les tribunaux, grâce à laquelle ils peuvent apprendre beaucoup de leurs partenaires et collègues autochtones. Voici quelques exemples de façons dont les tribunaux canadiens ont mis en pratique les considérations d’orientation énoncées dans ce document.

5.1 Cour de justice de l’Alberta

Afin de répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la Cour de justice de l’Alberta s’est engagée à mettre en place un système de justice holistique, réparateur et adapté à la culture des peuples autochtones dans le cadre de son processus de planification stratégique de 2020. Ce travail visait notamment à établir des relations avec les communautés des Premières Nations et des Métis. Ces relations ont éventuellement permis à la Cour d’élaborer une stratégie de justice autochtone (en anglais seulement), soit un document appelant à l’action qui est destiné à croître et à évoluer à mesure que les relations et l’apprentissage se poursuivent.

En se préparant à élaborer cette stratégie, le juge en chef de l’époque s’est d’abord assuré d’avoir une formation de base adéquate. Cet apprentissage a commencé par un examen des nombreuses études et enquêtes qui ont eu lieu au fil des décennies, et a été alimenté par la consultation de collègues autochtones de la magistrature et par les expériences et les points de vue de la Cour autochtone de Calgary.

Il était tout aussi important que le processus soit entrepris en adoptant une orientation particulière d’humilité, de souplesse – y compris le fait de ne pas être régi par le temps ou les traditions judiciaires canadiennes – et d’inclusivité. Cette orientation s’est manifestée de différentes manières :

  • La Cour a considéré le processus dans son ensemble comme une véritable occasion d’autoexamen.
  • Le respect a été exprimé en rencontrant les leaders et les organismes autochtones sur leurs terres, plutôt qu’en tenant ces conversations dans les bureaux des tribunaux.
  • Il n’y avait pas d’heure de fin fixée pour les réunions avec les leaders autochtones : le juge en chef a simplement indiqué qu’il serait disponible aussi longtemps que nécessaire.
  • Le processus n’a pas commencé par une idée préconçue de ce que devrait être une stratégie de justice autochtone. Il a plutôt été éclairé par les conversations tenues et élaborée grâce à celles-ci. Les trois questions fondamentales qui suivent constituaient les seuls éléments prédéfinis de cette stratégie :

1) La Cour devrait-elle élaborer une stratégie de justice autochtone?

2) Dans l’affirmative, quels éléments cette stratégie devrait-elle aborder, en gardant à l’esprit les tensions et les préoccupations liées au fait que le système puisse s’approprier les traditions et les coutumes autochtones)?

3) Compte tenu de votre expérience, comment chacun de ces éléments devrait-il être abordé?

Un groupe consultatif judiciaire a également été mis sur pied, composé principalement de juges autochtones de la Cour. Ces juges ont contribué à établir des liens avec les communautés des Métis et des Premières Nations, et l’objectif des premières réunions tenues était de permettre aux participants d’apprendre à se connaître. Tout au long du processus, les conversations n’ont pas été qualifiées de consultations formelles, mais simplement d’occasions pour se rencontrer et entamer un dialogue. Chaque conversation a créé de manière organique de nouveaux liens avec d’autres personnes ou organismes, et de nouvelles invitations ont été lancées pour que la Cour puisse les rencontrer.

En plus d’établir des relations avec les communautés autochtones dans l’ensemble de la province, le processus d’élaboration de la stratégie de justice autochtone de la Cour de justice de l’Alberta a créé un espace pour permettre à des groupes et à des réseaux qui n’auraient normalement pas été en contact de réfléchir et de parler en collaboration. La Cour a donc eu l’occasion de les écouter et d’apprendre, et tous les acteurs judiciaires ont pu œuvrer dans un réseau de relations pour apprendre et s’engager à changer ensemble.

Toutes ces conversations ont abouti à la rédaction de la stratégie de justice autochtone par le juge en chef qui avait amorcé les conversations et l’établissement de relations. Cette stratégie comporte 20 réponses ou mesures concrètes que la Cour s’engage à prendre. Ces réponses vont de l’éducation à l’accès facilité, en passant par une stratégie d’embauche des autochtones et l’intégration de pratiques culturelles autochtones dans la salle d’audience dans les circonstances appropriées.  

On a ensuite sollicité des commentaires sur l’ébauche de la stratégie auprès du « Chief and Council » composé de juges administratifs de toute la province, du Groupe consultatif de la magistrature et, en fin de compte, de tous les juges de la Cour. Les communautés autochtones et les autres groupes ayant participé aux discussions initiales ont également pu examiner l’ébauche de la stratégie et formuler des commentaires. Cette approche a jeté les bases d’une compréhension, d’une collaboration et d’une mise en œuvre de la stratégie dans l’ensemble de la province.

La Cour a présenté un rapport d’étape sur la stratégie en août 2023, soit un an après sa publication initiale. Ce rapport fait état des mesures prises et du fait que les travaux ne font que commencer. La Cour continue de prioriser les rencontres avec les leaders intéressés des Premières Nations, des Métis et d’autres groupes autochtones pour discuter de la stratégie de justice autochtone et d’autres questions importantes pour ces groupes.

5.2 Cour du Banc du Roi du Manitoba – Comité de la confiance, de la réconciliation et de l’accès à la justice

En 2017, la Cour du Banc du Roi du Manitoba a créé le Comité de la confiance, de la réconciliation et de l’accès à la justice. Dans son annonce à l’occasion de la cérémonie d’admission au Barreau de 2017, le juge en chef Joyal a annoncé la création du Comité pour « traiter les obligations, les possibilités et les problèmes particuliers qui entourent présentement la relation de la Cour avec les Manitobains autochtones en cette ère de réconciliation ». Le juge en chef a nommé cinq juges au sein de ce comité, dont les travaux se fondent sur quatre piliers :

  • renforcer la confiance et la compréhension avec les communautés autochtones;
  • accroître la sensibilisation judiciaire pour améliorer la prise de conscience et la compréhension des défis et des possibilités liés à la réconciliation;
  • cerner des initiatives et des processus de réconciliation particuliers à mettre en œuvre;
  • normaliser et intégrer les nouveaux processus dans la prestation des services judiciaires de manière à garantir l’accès à la justice.

Jusqu’à présent, le travail du Comité a consisté à s’engager auprès de la communauté autochtone, tant urbaine que rurale, au nord comme au sud. En 2022, la composition du Comité a été élargie pour comprendre aussi cinq membres de la communauté autochtone possédant une vaste expérience et expertise, qui siègent désormais en tant que membres à part entière de ce comité de la Cour.

Les juges de la Cour du Banc du Roi ont eu l’occasion d’établir des liens avec les communautés autochtones et d’apprendre d’elles, tant dans un cadre communautaire que dans le cadre d’un large éventail de séances de formation. Depuis 2017, chaque séance semestrielle de formation judiciaire dispensée aux juges du Banc du roi du Manitoba par l’Institut national de la magistrature comprend des conférences données par des aînés, des universitaires autochtones et des gardiens du savoir.

Pour la Cour du Banc du Roi du Manitoba, les étapes menant la magistrature à contribuer à la réconciliation ont nécessairement comporté la révision des procédures judiciaires existantes et des pratiques de gestion d’instance. Pour ce faire, il a fallu consulter et faire participer les conseillers parajudiciaires autochtones, le Barreau autochtone, les membres de la communauté et les aînés. Les premiers résultats de ces travaux comprennent l’introduction de la plume d’aigle sacrée comme forme de serment.

L’introduction en 2019 de la plume d’aigle sacrée comme forme de serment dans tous les tribunaux du Manitoba est une initiative de réconciliation particulière menée par les Autochtones qui fait désormais partie de la prestation quotidienne des services judiciaires aux greffes des tribunaux et dans les salles d’audience partout au Manitoba. L’initiative, entreprise par un comité conjoint avec la Cour provinciale du Manitoba, comportait la formation du personnel judiciaire sur les protocoles liés au soin de la plume d’aigle. Les juges et le personnel judiciaire ont également participé à une cérémonie annuelle de reconsécration organisée par des aînés et des gardiens du savoir.

De plus en plus de demandes sont formulées pour organiser des cérémonies de purification par la fumée et d’autres cérémonies dans les salles d’audience de la Cour du Banc du Roi dans des affaires visant la communauté autochtone. Actuellement, les demandes sont traitées par la Cour lorsqu’elles sont reçues, et des lignes directrices et des protocoles devraient être élaborés au cours de l’année à venir. 

La Cour reconnaît que la magistrature ne réalisera pas sa contribution à la réconciliation par un seul nouveau processus ou une seule réforme. Ainsi, le travail de réconciliation fait partie de l’existence et de la responsabilité judiciaire quotidiennes de la Cour. Aussi importants que soient les changements, il est tout aussi important que la Cour entreprenne et introduise des réformes de la bonne manière, en gardant à l’esprit son devoir de maintenir l’indépendance judiciaire tout en fournissant un service judiciaire inclusif et éclairé.

5.3 Cour fédérale – lignes directrices de pratique pour les instances en droit autochtone

Depuis 2005, la Cour fédérale du Canada compte un Comité de liaison entre la magistrature, l’Association du Barreau autochtone et le Barreau en droit des Autochtones comme « lieu de rencontre pour discuter et revoir la pratique et les règles de procédure ainsi que formuler des recommandations en vue de leur amélioration ». Les réunions, les symposiums et les rassemblements du Comité ont donné lieu à d’importants apprentissages et changements au sein de la Cour. Grâce au travail collaboratif de ce comité, la Cour fédérale a notamment produit des lignes directrices sur la pratique en matière de procédures intéressant le droit des Autochtones. Ce document sert à la fois 1) d’illustration de l’intégration des modes de savoir et de travail autochtones dans l’élaboration des lignes directrices, et 2) d’outil d’intégration des pratiques autochtones dans les procédures devant la Cour fédérale à l’avenir. La section des lignes directrices sur le règlement des différends par le dialogue, qui explique comment la Cour a intégré le règlement des différends de manière collaborative dans son processus judiciaire, en est un parfait exemple :

En 2009, la Cour fédérale a été l’hôte d’un symposium sur le témoignage oral et le rôle des aînés, qui a permis d’amorcer un dialogue avec des aînés de partout au Canada ainsi qu’avec des représentants des avocats des secteurs public et privé. À leur tour, ces mêmes aînés ont organisé un rassemblement historique en 2010 à Turtle Lodge afin de promouvoir une meilleure compréhension du point de vue autochtone. C’est ce qui a mené à la tenue d’un séminaire de formation judiciaire à Kitigan Zibi à la fin de 2013, élaboré en collaboration avec les aînés, sur le règlement des différends autochtones. Tout au long du processus, les aînés consultés ont montré leur préférence pour le règlement des différends par le dialogue, c’est-à-dire qu’ils discutent pour résoudre les différends par voie d’entente.

Le règlement des différends par le dialogue, plutôt que par l’arbitrage, s’avère maintenant une option dans les instances en droit autochtone devant la Cour fédérale. Les parties décident toujours de la voie qu’elles souhaitent emprunter, mais les lignes directrices reconnaissent que, s’il est choisi, le règlement des différends par le dialogue constitue une forme de réconciliation, car il aide à rétablir la relation et la confiance entre les parties.

Les lignes directrices fournissent en outre des conseils sur les points suivants :

  • la nomination d’un conseiller neutre auprès de la Cour en matière de droit ou de traditions autochtones;
  • un cadre pilote permettant aux parties de demander un résumé d’une décision de la Cour dans une langue autochtone;
  • les considérations relatives à l’endroit du procès, y compris les options pour la tenue d’audiences (ou de parties d’audiences) dans les communautés autochtones;
  • l’intégration de cérémonies spéciales;
  • un protocole pour les témoignages oraux des aînés, y compris le lieu, la cérémonie, la configuration du tribunal et les considérations de décorum et les modifications qui peuvent être requises.

D’autres tribunaux ont également choisi d’intégrer des aspects des lignes directrices de la Cour fédérale, au besoin, dans des affaires de droit autochtone. Dans une affaire récente, la Cour supérieure de l’Ontario s’est appuyée sur les lignes directrices pour intégrer des cérémonies, tenir des parties d’audience dans plusieurs communautés autochtones et guider les considérations et le processus relatifs au témoignage oral de la part d’aînés.

5.4 Cour provinciale de la Colombie-Britannique – Tribunaux autochtones de détermination de la peine en matière pénale

La Cour provinciale de la Colombie-Britannique compte neuf tribunaux autochtones de détermination de la peine en matière pénale (en anglais seulement). Chacun a été mis sur pied à la suite de vastes efforts de consultation, de préparation et de collaboration avec les Premières Nations locales, et a été conçu pour répondre aux besoins particuliers des communautés qu’il dessert. Les communautés autochtones dans leur ensemble, les aînés, Legal Aid BC, le gouvernement de la Colombie-Britannique, les avocats de la poursuite et de la défense, les services correctionnels communautaires, la police et des groupes tels que le Native Courtworker and la Counselling Association of BC ont également joué un rôle déterminant dans leur mise sur pied.

Ces tribunaux de détermination de la peine s’adressent aux personnes qui s’identifient comme étant Autochtones, qui indiquent leur intention de plaider coupables à une infraction pénale et qui, selon le tribunal concerné, ont l’accord du poursuivant pour y participer. Ils intègrent une approche autochtone de la résolution de problèmes qui tient compte de la santé mentale, physique, spirituelle et émotionnelle du délinquant, ainsi que des causes sous-jacentes du comportement délinquant. Ils aboutissent généralement à un plan de guérison qui vise à rétablir l’équilibre pour le délinquant, sa famille et la collectivité.

Bien que chaque tribunal ait élaboré des procédures et identifié des participants, des ressources et des services particuliers pour répondre aux besoins de ses communautés, les tribunaux autochtones de la Colombie-Britannique partagent généralement les éléments suivants :

  • L’audience peut commencer et se terminer par une prière. Il peut s’agir d’une cérémonie utilisée par les groupes autochtones pour purifier l’esprit et faire naître une bonne énergie, comme la purification par la fumée. Ces cérémonies servent à reconnaître les pratiques autochtones traditionnelles, à s’engager dans la culture autochtone et à ancrer la journée à venir.
  • Les délinquants (appelés clients) s’assoient habituellement en cercle avec le juge, les aînés, les avocats et d’autres personnes. Le cercle peut comprendre des victimes, des membres de la famille et des personnes de soutien. Les communautés autochtones locales sont encouragées à contribuer au processus.
  • Les participants discutent du comportement délinquant et de ses répercussions. Les clients font part de leurs antécédents et de leur situation particulière. Ensemble, ils élaborent un plan de guérison qui peut être intégré à la peine établie par le juge.
  • Le plan de guérison est au cœur des tribunaux autochtones de la Colombie-Britannique. Il établit un équilibre entre les exigences juridiques du système judiciaire traditionnel et les coutumes et les lois autochtones. Un plan de guérison peut comprendre à la fois des éléments traditionnels et thérapeutiques de détermination de la peine. Par exemple, une ordonnance de probation peut inclure la participation à des sueries, le traitement des troubles liés à l’usage d’une substance et des mesures pour renouer avec une communauté autochtone.
  • Un client dont la peine comprend un plan de guérison quitte le tribunal avec deux responsabilités principales : travailler avec les fournisseurs de soutien et de services et rendre compte de ses progrès au tribunal, habituellement tous les quelques mois. Lorsqu’il le fait, il reçoit des commentaires de la part des aînés et du juge.
  • Un client qui réussit un plan de guérison devient diplômé du tribunal autochtone et peut bénéficier d’une cérémonie de couverture symbolisant un nouveau départ. La couverture représente la force contre les vulnérabilités et l’inconnu. Lorsqu’un aîné enveloppe quelqu’un dans une couverture cérémonielle, cela symbolise l’acceptation de responsabilité par le client, le soutien, la protection, la croissance et un nouvel accueil dans la communauté.
  • Dans certains cas, les clients achèvent leur plan de guérison pendant qu’ils sont en liberté provisoire et les procureurs ne donnent pas suite à leurs accusations.

ANNEXE

RESSOURCES ET GUIDES DE RÉFÉRENCE

SUR LES PRATIQUES AUTOCHTONES CONCERNANT LES TRIBUNAUX

Voici une liste non exhaustive de ressources produites par les tribunaux canadiens ainsi que des rapports de professionnels du droit sur le thème des pratiques autochtones. Le Comité d’action diffuse ces ressources en tant qu’informations pouvant s’avérer pertinentes pour les tribunaux mais ne recommande pas officiellement leur usage. Il appartient à chaque tribunal et ressort d’évaluer la pertinence de ces ressources en fonction de leur contexte particulier.

Publications connexes du Comité d’action

Ressources de tribunaux canadiens

Ressources du système juridique